Q : Vous avez parlé de transporter la conscience d’une vie à l’autre. La seule chose que l’on emporte avec soi, c’est la conscience. Y a-t-il une fin à ce processus ? Y a-t-il un début ? Étais-je un brin d’herbe à un moment donné ? Étais-je un singe, étais-je un lézard, étais-je un rocher sur une montagne ? Après tout, ce sont toutes des formes d’énergie.

Sadhguru : Un brin d’herbe, je ne sais pas ; un singe, je ne contesterai pas ! Cette question est un fatras d’idées confuses : conscience, énergie ou transporter la conscience au-delà de ce que vous appelez votre vie actuelle. Où a commencé la vie ? Où se termine-t-elle ? Le commencement, laissons cela de côté pour l’instant, car elle est déjà ici. Ce que vous considérez comme « moi-même » est déjà ici. Nous ne sommes bien évidemment pas responsables du commencement, mais il ne tient qu’à nous d’aller au-delà. Cela doit être un processus conscient. C’est la seule voie possible.

« Si tout est énergie, d’où ai-je jailli ? » Vous n’avez jamais jailli, vous vous êtes juste autoproclamé. « Cela veut-il dire que je ne suis pas réel ? Êtes-vous en train de me raconter ces bêtises sur le fait que tout est maya ? » Non, c’est juste que la vie a lieu. Comment cette vie a-t-elle commencé ? Prenez par exemple la planète Terre, qui a sa propre individualité par rapport aux autres planètes. De la même façon que vous avez votre propre individualité par rapport aux autres, cette planète a aussi son individualité. Aussi nombreuses que soient les formes prises par la vie, elle a la capacité de toujours prendre une forme unique nouvelle : une qualité unique en elle-même. Qu’il s’agisse de la planète entière ou de vous en tant que personne, d’une fourmi, de votre propre petit doigt ou même des cheveux sur votre tête, tout a une qualité unique en soi.

De la Terre, nous retournerons à la Terre

Dans le même temps, cette singularité ne dure pas éternellement. Vous en tant que personne présente ici – vous en tant que corps – vous savez que tout prendra fin un jour. L’instant présent est unique. Lorsqu’il prendra fin, ce corps ne conservera plus son caractère unique. Il deviendra une partie de la terre. Nous l’appelons la Terre mère simplement parce que nous comprenons que, d’une manière ou d’une autre, nous en sommes issus. Ce corps n’est qu’une motte de terre qui prend une forme différente et fait toutes ces choses. Un jour, il y retournera et deviendra terre.

Ce corps n’est qu’une motte de terre qui prend une forme différente et fait toutes ces choses. Un jour, il y retournera et deviendra terre.

Cependant, la Terre conserve toujours son caractère unique par rapport aux autres planètes. Mais tout comme votre corps se dissout dans la terre, la Terre se dissoudra également dans un espace plus grand et le deviendra, quoi que ça puisse être. À l’heure actuelle, parce que vous n’en avez aucune perception, nous le désignons par le nom Shiva. Comme nous l’avons dit bien souvent, le mot « Shiva » signifie « ce qui n’est pas ». L’expression « ce qui n’est pas » ne veut pas nécessairement dire ce qui n’existe pas. Cela signifie ce qui ne fait pas partie de votre expérience actuelle. Seule la création physique fait partie de votre expérience. Ce qui est à la base de la création ne fait pas partie de votre expérience. Par conséquent, ce qui est la base de la création est appelé Shiva : ce qui n’est pas.

Ce qui n’est pas est devenu ce qui est et a acquis une certaine qualité qui lui est propre. Des millions de formes sont alors apparues. Chacune d’entre elles a acquis sa propre individualité durant un certain temps. Aujourd’hui, vous êtes occupé ou actif dans votre vie, c’est tout ce qui compte. Demain matin, si vous mourez, soudain la vie devient autre chose. Cette personne qui était si active, qui faisait toutes ces choses, disparaît soudainement, mais tout va toujours bien. Seules les pensées et les émotions de vos proches sont perturbées. Mais en ce qui concerne l’existence, tout va parfaitement bien parce qu’il ne s’est rien passé. Le corps a jailli, a joué pendant un certain temps et est reparti, comme une petite vague dans l’océan qui s’enroule et retombe. Dans votre expérience individuelle ou dans celle des gens qui vous entourent, c’est une grande calamité. Toutes ces calamités n’existent que dans vos pensées et vos émotions, elles n’ont rien à voir avec la vie. Ce n’est que lorsque votre conscience et votre vie se sont élevées au-delà de votre pensée, de vos émotions et de votre corps que la question d’aller au-delà surgit.

Faire éclater la bulle

Maintenant, votre conscience se limite uniquement à ces dimensions. La question de la transporter au-delà de cette vie ne se pose donc pas. Mais si votre conscience est parfaite, si vous avez une conscience claire de ce qui est physique et de ce qui ne l’est pas, c’est fini. Quitter le corps en pleine conscience ne peut se produire que par choix. Quand on est conscient, tout est un choix. Quand on n’est pas conscient, tout est compulsion. Si vous en êtes vraiment conscient, être dans le corps ou ne pas y être est également un choix. Une fois ce choix fait, c’est la fin du jeu. Ce qui fonctionnait comme « moi » n’existera plus. Tout est devenu comme il se doit, comme c’était.

La spiritualité n’est pas une progression, mais plutôt une autodestruction, un auto-anéantissement.

Tout ce que je dis verbalement est forcément faux, mais par analogie, vous pouvez comparer ça aux rivières que nous avons traversées. Cette rivière que vous voyez maintenant est la Mandakini ; celle que vous avez vue tout à l’heure était l’Alakananda ; celle que vous avez vue hier la Bhagirathi. À Haridwar, au pied de l’Himalaya, toutes deviennent le Gange. Toutes ces rivières avaient leur propre individualité. Mais à Haridwar, elles perdent leur individualité et acquièrent un autre type d’individualité. Le Gange se jette dans l’océan et là encore, il perd son individualité et devient l’océan Indien. Et si vous allez plus loin encore, il n’y a ni océan Indien ni océan Pacifique. C’est juste un océan.

De même, si votre conscience sépare le physique de ce qui n’est pas physique, tout fusionne pour ne plus faire qu’un. C’est comme les enfants qui font des bulles. Si vous formez une bulle, il y a de l’air à l’intérieur. Cet air a une certaine individualité, car il se trouve dans le corps de la bulle. Au moment où la bulle éclate, où est cet air ? De la même façon, une fois que vous faites éclater ce que vous appelez « moi-même » avec votre conscience (si vous savez comment faire éclater le physique qui retient l’énergie vitale dans un certain asservissement), alors l’énergie n’est plus que de l’énergie. C’est une mer d’énergie.

La spiritualité n’est pas une progression, mais plutôt une autodestruction, un auto-anéantissement. Il ne s’agit pas de se torturer physiquement. Il s’agit de détruire l’individu et de devenir l’universel. Voilà pourquoi Shiva est vénéré. Il est le destructeur. Si vous n’êtes pas un destructeur, vous n’avez rien à faire avec la spiritualité.