Lorsque vous vivez dans une grande intimité avec les mêmes personnes durant un certain temps, vous commencez petit à petit à tout savoir d’elles. Parfois, vous les voyez belles, parfois en colère, magnanimes ou mesquines : le drame de chacun se déploie devant vous. Vous savez ce qu’elles pensent et éprouvent. Par conséquent, vous aurez peut-être une opinion bien tranchée sur chaque individu.

Quelles que soient les opinions, idées et conclusions que vous pouvez avoir sur les autres et sur vous-même, c’est maintenant le moment de les abandonne
 

L’arrivée prochaine de Bhogi Pongal marque un moment de l’année où vous devez brûler tous ces vieux bagages. De Dakshinayana, qui désigne la trajectoire sud, le soleil passe au nord : de sadhana pada, nous passons à kaivalya pada. Ça veut dire qu’il est temps de récolter. Si vous voulez récolter, vous devez d’abord faucher la récolte. Quelles que soient les opinions, idées et conclusions que vous pouvez avoir sur les autres et sur vous-même, c’est maintenant le moment de les abandonner. Chacun a la possibilité de s’épanouir en un être magnifique. Plus vous avez d’opinions, d’idées, de conclusions et de préjugés, plus grande est la distance entre vous et cette possibilité. Autorisez-vous et autorisez autrui à prendre un nouveau départ.

Il y a un magnifique épisode dans le Ramayana. Par le passé, bien des événements malheureux avaient eu lieu dans la vie de Rama. Il avait été expulsé de son royaume, il avait dû se retirer dans la jungle et avait vécu une vie dure. Puis, sa femme a été kidnappée par Ravana. Par amour et par souci pour elle, il a marché jusqu’au sud, rassemblé une armée, traversé la mer pour se rendre au Sri Lanka, mené une guerre, vaincu Ravana sur le champ de bataille et l’a tué.

Comme vous le savez, Ravana avait dix têtes. Rama a dû les couper toutes les dix pour enfin tuer Ravana. Une fois la bataille gagnée, Rama dit : « Je veux aller dans l’Himalaya et faire pénitence, parce que j’ai commis un grand péché. J’ai tué quelqu’un qui était un grand dévot de Shiva, un savant phénoménal, un grand roi, un homme généreux. » Les autres sont stupéfaits. Lakshmana, son frère, réplique : « Qu’est-ce que tu racontes ? Il a kidnappé ta femme. » Mais Rama répond : « Sur ses dix têtes, il y en avait une qui avait une grande sagesse, de la piété et de la dévotion. Je regrette d’avoir coupé cette tête. »

L’erreur que font les gens, c’est qu’au lieu d’identifier une qualité, ils condamnent l’individu.

Tout le monde a dix têtes ou plus. Un jour, votre tête est pleine d’avidité, un autre jour, elle est pleine de jalousie, de haine, d’amour, de désir, de beauté ou de laideur. Ou bien vous traversez tous ces états en une seule journée. Quand vous voyez quelqu’un dans un moment de jalousie, vous en concluez que c’est une personne jalouse. Quand vous voyez quelqu’un dans un moment d’avidité, vous en concluez que c’est une personne avide. Mais en fait, différentes têtes travaillent en chacun à différents moments. Tout le monde a au moins une tête d’amour, de beauté, de générosité ou de compassion.

Ce que Rama essayait de dire, c’est que quelles que soient les horreurs commises par Ravana, il y avait un aspect de lui qui représentait une formidable possibilité. Suivez simplement ce principe fondamental : si vous voyez quelque chose de mal en quelqu’un, condamnez cette chose, pas la personne. Si vous introduisez cette sagesse dans votre vie, vous serez libre de bagages. Si vous faites ça envers les autres, la même chose vous arrivera.

Un jour, quelqu’un a dit : « L’amour est une chose qui a lieu entre un homme et une femme qui ne se connaissent pas. » C’est vrai uniquement si vous vivez une vie de frivolité, de jugement : une vie sans sagesse. Dans le cas contraire, plus vous apprenez à connaître quelqu’un, plus l’amour et la compassion devraient se manifester. Quand vous connaissez tous ses combats, vous savez que cette personne est aussi humaine que vous.
Rama a fait pénitence pour avoir tué un homme qui avait kidnappé sa femme et qui avait fait beaucoup d’autres choses horribles. Pourtant, Rama a identifié cette unique tête qui était belle chez lui. Voilà un homme de grande sagesse, raison pour laquelle il est vénéré. Il a échoué dans de nombreux aspects de sa vie, mais ses échecs n’ont jamais altéré sa sagesse et sa qualité. Quoi que la vie lui ait fait subir, il est resté au-dessus de tout ça.

S’il vous plaît, faites-le avec tous ceux qui vous entourent : essayez de reconnaître cette goutte de douceur même chez les personnes que vous considérez par ailleurs comme horribles.

Je veux que vous vous souveniez de l’exemple de Rama tout au long de l’année. Si vous avez assez de bon sens pour identifier la qualité plutôt que condamner la personne, avant que Guru Purnima n’arrive et que nous passions à Dakshinayana, le mouvement méridional du soleil, vous devriez avoir récolté une riche moisson. Un rosier compte plus d’épines que de roses, mais on le désigne quand même par le mot de rosier parce qu’on reconnaît sa beauté. Un manguier a plus de feuilles que de mangues, mais on le désigne quand même par le mot de manguier parce qu’on reconnaît la douceur de ses fruits.

Chaque être humain a au moins une goutte de douceur en lui. Pourquoi ne la voyons-nous pas ? S’il vous plaît, faites-le avec tous ceux qui vous entourent : essayez de reconnaître cette goutte de douceur même chez les personnes que vous considérez par ailleurs comme horribles. C’est seulement si vous la reconnaissez chez les autres qu’elle se reflétera en vous. À l’inverse, si vous voyez des choses terribles chez les autres, elles se refléteront en vous. Ça ne veut pas dire que vous deviez devenir aveugle à tout. Vous voyez les feuilles sur l’arbre, vous voyez les épines sur les rosiers, mais vous reconnaissez la fleur et le fruit. C’est tout ce que vous devez faire. À nous de jouer !

Love & Grace